Kinshasa, la ruée vers l’or bleu ! Par Raissa Malu

Raissa Malu 10 septembre 2020

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En cette période de confinement à cause de la pandémie de COVID-19 (maladie à coronavirus 2019), nous avons le temps de réfléchir à notre monde et à nos pratiques. Celle qui occupe actuellement mon esprit est notre gestion de l’eau, l'or bleu.

Pour limiter la propagation du désormais célèbre coronavirus SARS-CoV-2 (pour « Severe Acute Respiratory Syndrome CoronaVirus 2 »), les autorités sanitaires nous demandent de respecter des mesures d’hygiène strictes. Nous devons notamment nous laver les mains souvent, pendant au moins 20 secondes et avec du savon.

A Kinshasa, c’est devenu une gageure. Que vous habitiez une commune huppée de la capitale comme la Gombe ou Ngaliema, ou une commune populaire comme Ngaba ou Masina, vous manquez d’eau (et d’électricité). La société nationale REGIDESO (et la SNEL pour l’électricité) qui doit fournir ce service à la population congolaise est dépassée (pour le dire comme ça).

Il m’a semblé que c’était le bon moment de s’intéresser à l’eau. D’où vient-elle ? Comment est-elle traitée ? Avons-nous raison de creuser à tour de bras des forages pour pallier la défaillance de la REGIDESO ? Est-ce soutenable de pomper à tire-larigot l’eau de la nappe phréatique ? Voyons cela ensemble.

Quelques chiffres. Chaque minute, 5 personnes meurent dans le monde parce qu’elles n’ont pas accès à l’eau potable. L’eau polluée et les environnements qu’elle rend insalubres tuent chaque année 2.6 millions d’individus, dont 90 % ont moins de 14 ans. (Source : National Geographic)

Cela dit, la situation s’est globalement améliorée. En effet, de 2000 à 2015, 1.6 milliard de personnes dans le monde ont vu leur accès à l’eau facilité et 1.2 milliard a été raccordé à l’eau potable. Cependant, 11 % de la population mondiale n’ont toujours pas accès à l’eau potable. Le changement climatique n'est pas favorable à tous ces efforts et 4 milliards de personnes souffriraient de pénurie d’eau d’ici 2025. (Source : National Geographic)

C’est dans ce contexte que le 28 juillet 2010, l'Assemblée générale de l'ONU a adopté une résolution faisant de l’eau potable un droit humain inaliénable : « Le droit à l’eau garantit à chaque être humain de disposer pour son usage personnel et domestique d’une eau abordable et saine, en quantité suffisante, de qualité acceptable et accessible ».

Alors, commençons par le commencement et demandons-nous d’où vient l’eau que nous buvons, qui tombe du ciel, qui coule dans nos rivières et nos fleuves et qui sort de nos puits ? Je vous invite à regarder la vidéo suivante sur « Le cycle de l’eau ».

Notre planète Terre contient un volume d’eau total de 1,4 milliard de km³ (1 m³ d'eau représente 1.000 litres). Cette quantité d’eau demeure la même depuis son apparition sur Terre (« rien ne se perd, rien ne se crée, mais tout se transforme » 😉).

Ces 1,4 milliard de km³ se composent d'environ 97 % d’eau salée et 3 % d’eau douce. Ils forment l’hydrosphère, c’est-à-dire l’ensemble des réserves d’eau de la Terre. (On dormira tous moins bêtes ce soir 😊)

L’eau salée couvre 2/3 de la surface de la Terre et se trouve dans les mers, les océans et les banquises. L’eau douce (celle qui nous intéresse, car d’elle dépend notre vie et notre survie face au coronavirus!) provient essentiellement des précipitations : 76 % sont piégées dans les glaciers ; 22,5 % sont sous la terre dans les nappes phréatiques, nappes profondes et captives ; 1,26 % sont sur la terre : eaux de surface (lacs, rivières, étangs…) ; et 0,04 % sont dans l’air : nuages, pluies, brouillard, brume. (Source : www.cieau.com)

Intéressons-nous aux eaux souterraines qu’à Kinshasa nous semblons être déterminés à consommer (faute à la REGIDESO 😉). Regardons la vidéo suivante « Les eaux souterraines - Une introduction » produite par le Réseau québécois sur les eaux souterraines (j’ai décidé d’impliquer la Terre entière pour cet article 😊). Elle est plus longue, 7 minutes, mais je vous prie de la regarder jusqu’au bout.

Une nappe phréatique (en grec "phrear" qui veut dire "puits") est une masse d'eau souterraine stockée à faible profondeur dans des roches poreuses ; elle est accessible généralement par le puits ou par le forage.

Lorsque le coût de pompage et de traitement des eaux de surface est élevé, il est plus économique et plus pratique de pomper l’eau souterraine. Mais, attention. Lorsque la vitesse de recharge de la nappe est inférieure au pompage d’eau, le niveau de la nappe baisse. Eh oui ! Retenons juste cela et je vous épargne les mathématiques nécessaires au calcul du « bilan hydrologique qui vise à établir la relation entre les entrées et les sorties en eau d’une unité hydrologique définie pendant une période de temps donné ».

L'eau qui sort de nos robinets doit être traitée pour la rendre potable. Le traitement de l’eau se fait généralement en quatre étapes : le dégrillage et tamisage qui élimine les grosses particules ; la coagulation - floculation - décantation qui est la formation des flocs cohésifs, volumineux et lourds donc faciles à décanter ; la filtration où les toutes petites particules présentes dans l’eau sont arrêtées par le sable ; et la désinfection avec une petite quantité de chlore, de l'ozone ou des ultraviolets. C’est lors de cette quatrième étape que les bactéries et virus pathogènes qui demeurent dans l'eau sont éliminés (cette étape nous intéresse particulièrement en ce moment, n’est-ce pas ?!).

Alors, quelle est la situation en République Démocratique du Congo ? Avec un faible niveau d’industrialisation et un secteur agricole artisanal qui utilise principalement les eaux de pluie, les prélèvements en eau douce vont principalement à un usage domestique en République Démocratique du Congo (52 %). Cependant, dans un rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement datant de 2011, « Problématique de l’Eau en République Démocratique du Congo : Défis et Opportunités », nous lisons que seuls 26 % de la population congolaise ont accès à une eau potable salubre, une estimation bien en dessous de la moyenne des 60 % pour l’ensemble de l’Afrique subsaharienne. Malgré l’abondance des eaux de surface, la grande majorité de la population congolaise dépend des nappes phréatiques et des sources pour s’approvisionner en eau potable.

On estime que les nappes phréatiques représentent presque 47 % (421 km³/an) des ressources hydriques renouvelables de la RDC. L'aquifère du bassin du Congo fait partie des 37 plus grands aquifères du monde. Mais il se trouve qu’il aurait dépassé son seuil de durabilité et serait en déplétion. Autrement dit, cela va être la catastrophe dans les années à venir si nous n’adoptons pas dès maintenant une gestion responsable de cette ressource ! Pensons à nos enfants, à nos petits-enfants, aux prochaines générations (ou à la prochaine pandémie, on ne sait jamais).

Conscient de la situation (j'imagine), le législateur congolais a promulgué la Loi n° 15/026 du 31 décembre 2015 relative à l’eau. Vous pouvez la lire en cliquant sur le lien suivant :

https://www.leganet.cd/Legislation/Droit%20economique/Eaux/Loi.15.026.31.12.2015.html#TI

(nul n’est censé ignorer la Loi, mais il faut bien avouer que ces documents juridiques ne sont pas les plus agréables à lire. Enfin, quand il faut, il faut !)

Je voudrais ainsi terminer en lançant un appel. S’il vous plaît, chers services de la REGIDESO, cher Gouvernement, faites ce qu’il faut pour offrir aux usagers de la ville de Kinshasa et des autres villes de la République Démocratique du Congo, un accès à l’eau potable provenant des eaux de surface. Il n’est pas soutenable que nous creusions tous des forages (et ce n'est pas qu'une question d'argent) pour satisfaire nos besoins domestiques (même s’ils restent très inférieurs à ceux des pays dits industrialisés).

Nous sommes en confinement, vous avez donc le temps de creuser la question. Je vous invite ainsi à prendre contact (à distance 😉) avec les nombreux spécialistes congolais en la matière dont la Professeur Céline Sikulisimwa, spécialisée dans les sciences et les technologies de l’eau, Faculté des Sciences, Université de Kinshasa ; le Professeur Raphaël Tshimanga, expert en hydrologie et ressources hydriques pour le Bassin du fleuve Congo, Faculté des Sciences, Université de Kinshasa ; le Professeur Vincent Lukanda, Directeur du Centre Régional d’Etudes Nucléaires de Kinsasa et Commissaire Général à l’Energie Atomique, Faculté des Sciences, Université de Kinshasa. Ils ont tous participé à une ou plusieurs éditions de la Semaine de la Science et des Technologies 😊.

PS : Limitons à tout prix la propagation du virus, évitons les contacts, restons confinés ! #StopCoronavirus

Science is (still) fun, join us !

Cet article est paru sur LinkedIn et est republié avec la permission de l'auteur


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