A Uvira dans le Sud-Kivu, Kashobwe dans le Haut-Katanga, Kabalo dans le Tanganyika, des centaines d’habitations ont été, soit emportées par les eaux, soit englouties à la suite d’affaissements ou de glissements des terrains.
Localement, certains essaient de rattacher ce phénomène à la structure interne du sol. Mais la nuance vient du géophysicien Etienne Kadima Kabongo, chef du département de géologie à l’université de Lubumbashi.
Celui-ci explique que « les érosions et les inondations sont, en fait, des phénomènes qui concernent l’aspect extérieur de la terre. Ces phénomènes-là sont géographiques et climatiques, alors que les séismes ou les volcans tiennent de la géologie ».
Cependant, le climatologue Jean-Pierre Kabulu Djibu, directeur de l’Observatoire régional de changement climatique à l’Institut supérieur pédagogique de Lubumbashi, trouve un rapport entre ces catastrophes et le mouvement des masses d’air. Relevant au passage que tout n’est pas naturel dans ce qui se passe.“La nature a déjà prévu l’espace en cas d’augmentation des eaux des rivières, lorsque le cours d’eau doit quitter son lit mineur, le lit d’écoulement habituel. Mais au niveau humain, quand on constate que dix ans, vingt ans, trente ans, la rivière coule au même endroit, on fait un lotissement, on urbanise les lits moyen et majeur”
Jean-Pierre Kabulu Djibu, Institut supérieur pédagogique de Lubumbashi
« Dans l’histoire géologique de la terre, soutient-il, il y a des périodes de refroidissement et de réchauffement. C’est le cycle qui comporte des périodes périglaciaires et des périodes glaciaires. Mais maintenant, ces phénomènes sont provoqués par l’homme et la société. L’homme en devient la cause, l’agent, le facteur le plus important ».
Il y a quelques mois, de fortes pluies se sont abattues sur plusieurs agglomérations telles que Kinshasa, Kolwezi, Kalemie ou encore Kashobwe et Manono. Jean-Pierre Kabulu Djibu assure que dans des conditions normales, elles ne devaient pas affecter les populations.
Il explique que cette année, les inondations se sont surtout observées sur des zones qui ne devraient pas être des lieux d’habitation mais qui sont habitées. Or, dit-il, le fait de les urbaniser augmente leur vulnérabilité.
« La nature a déjà prévu l’espace en cas d’augmentation des eaux des rivières, lorsque le cours d’eau doit quitter son lit mineur, le lit d’écoulement habituel. Mais au niveau humain, quand on constate que pendant dix ans, vingt ans, trente ans, la rivière coule au même endroit, on fait un lotissement, on urbanise les lits moyen et majeur », décrit le climatologue.
« A Uvira, il y a eu glissement de terrain tout simplement parce que les gens ont construit sur le versant en oubliant que les averses peuvent provoquer des ruptures des limites de plasticité de la roche », ajoute-t-il en guise d’illustration.
Surveillance météorologique
Une situation que reconnaît Crispin Nkinde, administrateur de Kasenga, un territoire de la province du Haut-Katanga en RDC où des inondations ont eu lieu en mars dernier.« Il y a, certes, un problème imputable à l’Etat. En amont par le fait de distribuer des terres là où il ne faut pas ; et en aval par son incapacité à offrir une alternative de relogement. Mais, je sais aussi qu’on n’a pas chaque jour les bonnes informations pour des coins reculés. Or, c’est souvent dans ces coins-là que les pluies fait de nombreuses victimes », dit-il.
En effet, à en croire ce dernier, les données météorologiques ne sont pas toujours obtenues en temps utile. Ce qu’admet le climatologue Jean-Pierre Kabulu Djibu qui constate, pour le déplorer, que le continent africain est limité par « des moyens », à l’image de l’observatoire qu’il dirige.
Or, la surveillance météorologique s’est complexifiée davantage avec les perturbations enregistrées récemment.
« Du fait du déboisement, explique le chercheur, nous produisons davantage de dioxyde de carbone. Cela entraîne la variabilité climatique et thermique et la variabilité du système convectif. Elle se traduit par la répartition des précipitations. »
Et de poursuivre : « Nous avons toujours les mêmes précipitations qui varient entre 1 300 et 1 450 mm par an. Mais au lieu que ces pluies se répartissent sur les mois d’octobre à mars, elles se concentrent entre décembre et février avec des implications néfastes et les sols, longtemps humides, vont céder comme à Uvira ».
Propriétés du sol
Dans chacun des cas cités, l’ampleur du sinistre a été presque spécifiquement influencée par les propriétés du sol. De l’analyse d’Etienne Kadima Kabongo, c’est là que la géologie doit participer à éclairer le choix de l’homme et des dirigeants dans le domaine de l’urbanisme.“On peut parler de lien indirect avec la géologie parce que l’érosion sera beaucoup plus profonde là où il y a une fracture, là où il y a un cours d’eau qui passe. Elle sera beaucoup plus accentuée là où le sol n’est pas très dur et là où il y a un ravinement. Car, le phénomène des ravins est souvent lié à des dissolutions calcaires dans le sous-sol mais qui influencent ce qui se passe à la surface de la Terre », affirme l’universitaire.
Outre l’effort pour financer les recherches, les gouvernements africains ont besoin d’intégrer et vulgariser le savoir-être écologique qui part du reboisement à l’utilisation des énergies alternatives.
Laisser un commentaire
Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *