« Les autorités congolaises doivent mettre en place un système efficace de contrôle technique des véhicules automobiles et interdire la circulation des véhicules ayant une durée de circulation dépassée », suggère par exemple Ghislain Toli, enseignant-chercheur au Centre de recherches et d’études sur l’environnement de l’université Marien Ngouabi de Brazzaville.
En outre, « elles peuvent mettre en place un système de surveillance de la qualité de l’air qui leur permettra de prendre de bonnes décisions pour lutter contre ce fléau de la pollution atmosphérique », propose pour sa part Thierry Tangou Tabou, professeur au département des sciences de l’environnement de l’université de Kinshasa.
“Un bon diagnostic scientifique autour de la question permettra d’avoir des bases solides afin de pallier ce problème de pollution”
Ghislain Toli, université Marien Ngouabi de Brazzaville
Ces universitaires tirent ainsi des leçons de la toute première grande étude sur la qualité de l’air à Kinshasa et Brazzaville menée entre septembre 2019 et février 2020 et publiée fin mars 2021 dans la revue Aerosol and Air Quality Research.
Une étude qui révèle que dans ces deux métropoles d’Afrique centrale, la concentration de particules (PM2,5[1]) dans l’air est 4 à 5 fois supérieure à la norme définie par l’Organisation mondiale de la santé, selon qu’on est en saison des pluies ou en saison sèche.Si Ghislain Toli juge cette étude « capitale au niveau urbain » avec un protocole de traitement des données « acceptable », il trouve que le maillage des données du moniteur PurpleAir reste « restreint ».
« On souhaiterait une mise en œuvre d’une étude présentant un large maillage de représentation des données. Car, le comportement des données au niveau du centre-ville ne serait certainement pas le même que celui des données observées au niveau des quartiers périphériques », dit-il.
Interrogé par SciDev.Net, Daniel M. Westervelt Daniel, auteur principal de l’étude, fait savoir que les sources de cette pollution comprennent les émissions des véhicules, la combustion des déchets, la cuisson qui se fait principalement avec du bois ou du charbon de bois et d’autres petits feux.
Trafic routier
Les deux chercheurs congolais partagent d’ailleurs le même avis en apportant davantage de précisions. « Le trafic routier, avec les véhicules qui fument, est responsable généralement des émissions du dioxyde d’azote mais aussi des PM. Avec des véhicules de seconde main, pour la plupart importés d’Europe, dont l’âge dépasse dix ans en moyenne », décrit Thierry Tangou Tabou.
Par ailleurs, « les déchets et ordures ménagères, les pneus de voitures et autres objets non essentiels sont quotidiennement brûlés à l’air libre par la population. Ce phénomène peut également accentuer cette pollution de l’air », ajoute Ghislain Toli.Mais, Daniel M. Westervelt souligne le rôle principal des émissions des véhicules dans cette pollution à partir du couvre-feu et du confinement qui avaient été imposés à Kinshasa pendant environ 2 semaines en avril 2020 du fait de la COVID-19.
« Les voitures n’ont pas été autorisées à entrer dans le centre-ville. Des commerces ont été fermés. Il y a eu une baisse substantielle du transport par véhicules, et les niveaux de pollution de l’air ont diminué », dit-il.
En plus de ces sources locales, les chercheurs attirent l’attention sur le fait que les villes de Kinshasa et Brazzaville souffrent de polluants émis ailleurs, étant donné que la pollution atmosphérique ne connaît pas de frontière.
Problèmes respiratoires
Ce haut niveau de pollution ne manque pas d’avoir des conséquences, en particulier sur la santé. « Les enfants âgés de 1 à 15 ans sont de plus en plus victimes de problèmes respiratoires à l’exemple de l’asthme par exemple. La morbidité observée au niveau des personnes vulnérables, notamment les enfants et personnes du troisième âge, peut être une manifestation de la pollution de l’air dans le quotidien des habitants de Brazzaville », analyse Ghislain Toli.
Dès lors, aux recommandations des deux chercheurs congolais, Daniel M. Westervelt ajoute que les autorités pourraient également promouvoir des pratiques de cuisson plus propres à la place du bois ou du charbon de bois qui sont très polluants.
« A terme, l’électrification adossée principalement aux énergies renouvelables réduirait les niveaux de pollution dans ces deux villes », préconise le chercheur.
« Pour que le problème de la pollution soit pris au sérieux par les autorités, il faudrait au préalable rassembler un certain nombre de connaissances sur ledit sujet. Un bon diagnostic scientifique autour de la question permettra d’avoir des bases solides afin de pallier ce problème de pollution », prescrit Ghislain Toli qui regrette que ce problème reste peu étudié au niveau national.
D’où la nécessité, dit-il, de mettre en place des politiques environnementales adéquates afin de remédier au problème du stockage à l’air libre des déchets et ordures ménagères dans les quartiers, de planifier la taxation de l’incinération des déchets et ordures ménagères par la population et de construire des centres de recyclage des déchets et ordures ménagères.
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