Beni : Les riziculteurs confrontés à la sècheresse

Jonas Kiriko - Africa Reveal - 14 juillet 2021

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La pluie est devenue irrégulière dans la pleine de Kyatenga, importante zone rizicole située à plus de 70 Km à l’Est de Béni-ville, en territoire de Béni, au Nord-Kivu. Résultat : des vastes étendues des rizières des paysans commencent à sécher, et n’espèrent plus aux bonnes récoltes.

Pour nombreux agriculteurs, la saison sèche est devenue élastique et ne leur permet plus de se conformer au calendrier cultural. « La sécheresse a ravagé nos champs. Je ne sais plus si j’aurai 100 Kg du riz ici pour cette saison culturale. C’est vraiment une perte », regrette Kambale, ce paysan de Kyatenga qui venait à peine de transformer ses champs de haricot en rizière, espérant gagner plus. Malheureusement.

Un véritable challenge

A en croire les paysans de cette zone, voici plusieurs années que cette pleine située au pied du massif de Ruwenzori connait des fortes sécheresses. Ce qui occasionne un la carence de l’eau, pourtant nécessaire pour permettre au riz de croitre normalement normal. Par conséquent, les rizières sèchent, occasionnant ainsi la baisse de la production.

D’après Patient Mapendo, ancien agronome à la Ligue des organisations des Femmes paysannes du Congo (Lofepaco), une organisation qui encadre des riziculteurs dans la pleine de Kyatenga, la plupart des paysans qui récoltaient environ quatre tonnes sur une étendue d’un hectare, récoltent difficilement aujourd’hui 100 Kg du riz blanc sur la même étendue suite à la sécheresse.

« Avant 2013, avec mes techniques agricoles rudimentaires j’étais en mesure de récolter une tonne du riz blanc sur un seul hectare. Mais aujourd’hui, je ne parviens plus à cette production. Ce qui constitue une énorme perte. Car à part l’achat de semence améliorée, j’ai investit en terme d’achat d’engrais, de payement de la main d’œuvre et du gardiennage », témoigne Mme Malo.

Face à cette baisse de la production, la Ligue des organisations des Femmes paysannes du Congo (Lofepaco) craint une crise alimentaire dans l’Est du Congo, dès lors que le riz fait partie des aliments de base consommés dans cette région.

Ainsi cette baisse de production de la céréale n’est pas une bonne nouvelle car elle accentue l’importation du riz des pays asiatiques, notamment de la Taiwan, Pakistan et la Chine.

« Les riziculteurs sont impuissants, et l’Etat semble ne rien faire. Si les organisations internationales n’appuient pas les structures locales qui s’occupent du développement de la filière riz, l’on s’achemine vers la crise alimentaire », prévient l’agronome Patient Mapendo, de la Ligue des organisations des Femmes paysannes du Congo (Lofepaco).

Fruits du changement climatique

L’absence des pluies régulières, occasionnant un déficit hydrique à Kyatenga, est consécutive au changement climatique que connait la région, depuis que la population s’est attaqué aux forets qui couvraient la pleine, à la recherche du bois de chauffe, des planches et des nouvelles terres arables.

« Les raisons de ce dérèglement climatique ne sont pas à chercher très loin. Il y a près de 15 ans, cette pleine de Kyatenga était couverte des vastes forets. Mais aujourd’hui elles sont en voie de disparition. La population les dévaste, à la recherche, soit des bois énergie, soit des planches à exporter vers l’Ouganda voisin, soit encore des nouvelles terres cultivables », explique Patient Mapendo.

Les quelques forets qui s’y trouvent encore sont celles du parc national des Virunga, bien protégées par les écogardes. Ainsi cette déforestation a occasionné un dérèglement climatique.

Pour s’attaquer à cette sécheresse, les paysans ont tenté, depuis 2014, de mettre en place des astuces d’irrigation, par exemple au village de Mighende.

Pratiquement, ils organisaient des travaux communautaires pour capter les eaux des rivières et les orienter dans leurs champs, via des canaux. Ces efforts paysans ont produit des résultats positifs à Mighende, reconnait Patient Mapendo. « J’ai assisté à des migrations des riziculteurs de Kyatenga à Mighende. Ils voulaient tous profiter de cette nouvelle technologie d’irrigation pour booster leurs productions du riz », témoigne-t-il. Malheureusement pour ces paysans, la lune de miel n’a pas duré. Car, la forte sécheresse a aussi attaqué les rivières.

« Nos cours d’eaux, nos rivières commencent aussi à tarir. Nous ne trouvons plus de l’eau abondante pour irriguer nos rizières. Le mal nous attaque par tous les côtés », regrette Kambale Mbahingana.

Dans la région, l’unique rivière à mesure d’aider dans l’irrigation, suite à son abondante eau, reste celle de Semuliki. Malheureusement pour les paysans, cette rivière Semuliki n’est pas uniquement la propriété de la République démocratique du Congo, dès lors qu’elle se trouve dans le bassin du fleuve Nil dont l’Egypte semble avoir le monopole. « Recourir à la rivière Semuliki pour irriguer des rizières à Beni nécessite des fortes négociations avec l’Egypte. Et face à l’impuissance de la diplomatie congolaise, je ne vois pas l’Egypte l’accepter, parque le pays de Pharaon a aussi besoin de cette eau de la rivière Semuliki», analyse Patient Mapendo.

Une alternative

Pour lutter contre la sécheresse de manière durable, les paysans ont choisi de pratiquer l’agroforesterie. Il s’agit d’un mécanisme d’adaptation au changement climatique qui recommande de marier les cultures vivrières à certaines espèces forestières.

L’objectif étant de répondre aux besoins alimentaires, tout en contribuant au règlement climatique. C’est dans cette logique qu’aux cotés des cultures du riz, de maïs, de haricot et du café, les paysans de Kyatenga ont, avec l’appui de la Ligue des organisations des Femmes paysannes du Congo (Lofepaco), introduit dans cette pleine rizicole la culture de Greviléa Robusta et de Citrodora odorata sur plus de 1900 hectares, en vue de créer un microclimat favorable à l’agriculture.

 L’agronome de la Lofepaco, appelle les riziculteurs à la patience, estimant que les premiers résultats de cette initiative d’agroforesterie devraient être palpables dans un délai d’au moins cinq ans.

« Dans la vallée de Kyatenga, la sécheresse est un problème global, il lui faut donc une solution globale. C’est ainsi que nous avons opté pour l’agroforesterie en vue de créer un microclimat favorable à l’agriculture. Mais il faut qu’à leur niveau, les dirigeants congolais mettent aussi en place des politiques de lutte contre la sécheresse, de lutte contre le changement climatique», recommande-t-il.  

 

Riz

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