Nord-Kivu : En plus de la sécheresse, la mauvaise gestion de l’eau crée la carence à Butembo

Plusieurs quartiers de la ville de Butembo ne reçoivent plus de l’eau à partir de leurs robinets depuis plus d’un mois. Cette carence liée à la sècheresse rend certains quartiers plus vulnérables que d’autres.

C’est le cas de la cellule Kasongomi situé au quartier Biondi en commune de Kimemi, où les habitants sont obligés de veiller pour obtenir ne fut-ce qu’un bidon d’eau. D’autres se rabattent aux puits et ruisseaux qui résistent encore à la sècheresse dans des vallées, sans se soucier de la qualité de l’eau qu’ils puisent.

A plus de 8 kilomètres, au Nord-Ouest de la ville de Butembo est érigé Makamba, ce centre de captage d’eau de la Regideso. A côté se trouve l’usine de Kanyangoko qui date de l’époque coloniale, alors que Butembo n’était qu’un village. Ce bassin est destiné à recueillir l’eau de la source en vue du traitement à l’usine, peu avant la distribution dans les ménages.

Pendant cette période, ce bassin ne contient pas d’eau à cause de la sécheresse. La petite quantité qui provient de la source s’est frayé un passage dans ce vaste bassin boueux, et coule comme un petit ruisseau.

C’est cette petite quantité d’eau qui est recueilli en cette saison de sécheresse pour alimenter la ville. La regideso profite de cette situation de sécheresse alors que ce bassin est presque vide pour faire certains travaux d’entretien.

C’est notamment l’évacuation de la boue, jusqu’à environ 5m de profondeur, la hauteur même de ce bassin explique le technicien Pacifique Hangi rencontré en plein curage du bassin de l’eau captage de Makamba.

« En période pluvieuse, l’eau déborde de partout. Comme c’est la sécheresse nous en profitons pour curer cet espace afin d’accueillir suffisamment d’eau une fois la pluie tombée », dit-il.

Un calvaire pour les habitants

La vallée de Kiveteri c’est ici où certains habitants trouvent leur salut. C’est sous les différentes têtes d’érosions qui menacent l’abattoir public de Butembo.

C’est aussi ici où plusieurs habitants de la cellule Kasongomi et des avenues masisi, rutshuru, Goma et lubwe viennent s’approvisionner en eau, en cette période où il ne pleut plus sur la ville.

Pour y arriver, il faut arpenter un sentier non sans risque de connaitre une chute. Masika Neema est venu faire sa lessive ici, parce que plus rien de coule de son robinet. Elle craint pour la qualité de l’eau, qui selon elle peut infecter les habits qu’elle prétend venir rendre propre. 

« C’est dur pour tout le monde, mais c’est plus dur pour nous qui sommes des femmes allaitantes. Je me convaincs que je suis venue rendre ces habits de mon bébé de deux mois propres, mais je ne sais pas si ces habits ne vont pas prendre des microbes. C’est la vie de mon bébé que je mets en danger » craint-elle.

Alain Mbusa s’est levé plusieurs fois cette nuit pour espérer trouver de l’eau au robinet mais en vain. C’est ainsi qu’il a décidé de se rabattre sur ces eaux qui stagnent dans ces érosions. Il déplore le fait que cette situation de carence qui perdure n’a pas encore inspiré les autorités à trouver une solution.

« J’appelle les autorités à trouver une solution urgente à ce problème de manque d’eau. Je suis étudiant, mais je n’ai pas eu le temps de revoir mes notes alors que nous sommes en période d’examen. Cette situation doit interpeller nos dirigeants car nous courront beaucoup de risque à la recherche de l’eau », explique-t-il.

Le prix de 20 litres d’eau a pris de l’encenseur. Sarah Masika témoigne que pour se procurer de l’eau pour la boisson, elle est obligée de débourser 500 francs congolais alors qu’il lui fallait moins de la moitié par le passé.

Le chef de centre de la Regideso Butembo Kambale Kasilamo Guillaume se dit préoccupé par l’absence de l’eau dans certains quartiers de la ville. Une pénurie qui ne dépend pas de son service se justifie-t-il. Il explique que les quartiers situés sur des hautes terres sont plus en difficulté d’avoir de l’eau car la quantité produite est minime.

« Cette situation nous surpasse comme il s’agit d’un phénomène qui ne dépend pas de notre service. La pluie, nous l’attendons comme tout le monde. Comme une mère ne peut pas priver de la nourriture à ses enfants ou à son mari, c’est le cas pour la Regideso qui ne peut pas volontairement priver de l’eau aux habitants. Nous avons un moment essayé une distribution alternée mais le réservoir nous a trahit, il n’y a pas d’eau », argumente-t-il.

Pistes de solution

Vue la démographie galopante de Butembo plusieurs structures privées ont vu le jour, afin de suppléer au manque d’eau par des systèmes des dessertes sectorielles.

C’est le cas de l’Association des consommateurs d’eau de Katwa ACEKA, le consortium pour l’agriculture urbaine de Butembo CAUB, les ONG (10eme épidémie d’Ebola 2018-2020), dans le cadre du partenariat public privé consacré par la loi congolaise sur l’eau.

Pour Fataki Baloti acteur de la société civile de Butembo et chercheur en eau, « on ne doit pas crier carence d’eau ». Il faut selon lui capitaliser l’eau des toitures des habitations.

« L’eau doit être gérée selon le mécanisme de gestion intégrée des ressources en eau. C’est-à-dire les eaux des toitures doivent être capitalisées pour la vie humaine, les eaux des pluies dans les champs, les eaux des nappes aquifères et les eaux des rivières constituent une ressource importante. Lors de la pluie, on crie érosion et lors de la sécheresse on crie carence. A mon avis il y a plutôt mauvaise gestion de la ressource en eau » nuance-t-il.

De son côté Alexandre Kitsa responsable de l’énergie et hydrocarbures à Butembo conseille la population à ne pas construire sur les cours d’eau qui pourront servir dans la desserte pour les ménages.

« Aujourd’hui presque tous les cours d’eau sont envahis par des constructions anarchiques ce qui menace l’avenir de la population en matière de l’eau » prévient-il.

Il en appelle aussi à une bonne politique environnementale mettant en avant plan le reboisement pour permettre d’attirer les pluies.

Pour Kambale Guilaume responsable de la Regideso/butembo, legouvernement devrait mettre des moyens, afin de faire venir l’eau de la rivière Talihya situé à une dizaine de kilomètres de la ville, en territoire de Beni. Selon lui c’est la seule rivière dont le débit ne varie pas même en saison sèche.

Avec environs 1 millions d’habitants, la ville de Butembo a un taux de desserte en eau d’environ 30 %, selon le service urbain de l’énergie et des hydrocarbures.