La poussière accroît le taux de mortalité infantile en Afrique

Julien Chongwang - Scidev - 28 septembre 2020

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Une tempête de poussière dans le Sahara. Crédit image: Western Sahara Project (CC BY-NC-ND 2.0)
Une tempête de poussière dans le Sahara. Crédit image: Western Sahara Project (CC BY-NC-ND 2.0) - -

La poussière produite dans le désert du Sahara et qui se répand sur de très longues distances à travers le monde aurait une importante responsabilité dans la mortalité infantile qui demeure élevée en Afrique subsaharienne.

 
C’est ce que révèle une étude réalisée par des chercheurs de l’université de Stanford (Etats-Unis) et publiée récemment dans la revue Nature Sustainability.
 
Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont analysé 15 années d'enquêtes couvrant près d'un million de naissances dans 30 pays d'Afrique subsaharienne. Et ils se sont en particulier intéressés à la poussière issue de la dépression de Bodélé au Tchad (considérée comme la plus grande source d'émission de poussière au monde) que l’on retrouve en Afrique de l'Ouest et dans d'autres régions du continent. 

“De par leur petite taille, les enfants de moins de 5 ans sont plus proches du sol, là où la concentration des particules de poussière est la plus forte. Ils inhalent de la sorte plus de poussière que les adultes, et ce pour une surface de poumons pourtant plus petite”

Benedictus Genty Bulu, pédiatre

Ils ont ensuite comparé les changements dans les régimes de précipitations à Bodélé avec la part de la pollution totale due à la poussière dans chaque région, déterminant ainsi la part de la poussière de Bodélé dans les concentrations de pollution à travers l'Afrique de l'Ouest.
 
« Nous constatons que la quantité de précipitations à Bodélé est un bon indicateur de la pollution en Afrique de l'Ouest. Quand il y a plus de pluies à Bodélé, il y a moins de poussière en Afrique de l'Ouest et quand il y a moins de pluies à Bodélé, il y a plus de poussière à travers l'Afrique de l'Ouest », révèle Sam Heft-Neal, chercheur au Center on Food Security and the Environment[1] à l’université de Stanford et l’un des auteurs de ces travaux.
 
L’étude va plus loin en disant qu’une augmentation d'environ 25% des concentrations moyennes annuelles locales de particules dans l’air en Afrique de l'Ouest entraîne une augmentation de 18% de la mortalité infantile.
 
A en croire Sam Heft-Neal, les pays les plus touchés sont alors le Nigéria, le Mali, le Sénégal et le Burkina Faso qui sont tous sur la trajectoire des vents qui transportent la poussière de Bodélé à travers l'Afrique de l'Ouest et l'Atlantique et vers l'Amérique du Nord et du Sud.
 
Benedictus Genty Bulu, pédiatre à la polyclinique Marie O de Douala au Cameroun comprend bien le lien qu’il peut y avoir entre la poussière et la mortalité infantile.
 
« Les microparticules contenues dans la poussière s’infiltrent dans les canaux respiratoires que sont les bronches jusqu’à leurs terminaisons, contribuant ainsi à les boucher. Ainsi l’air ne passe pas bien et les tissus du poumon et du reste du corps sont mal oxygénés », explique-t-il.
 

Infections pulmonaires

Il poursuit en disant qu’au niveau des poumons, les terminaisons des bronches bouchées favorisent la pullulation des microbes qui étaient contenus dans la poussière et provoquent des infections pulmonaires qui peuvent être graves et certaines même mortelles.
 
A en croire ce pédiatre, le bouchage des terminaisons des bronches empêche également l’élimination des gaz carboniques produits dans l’organisme, provoquant une « intoxication chronique » et des crises d’asthme.
 
« Tous ces éléments sont de nature à contribuer à la mortalité infantile, surtout quand l’on sait que de par leur petite taille, les enfants de moins de 5 ans sont plus proches du sol, là où la concentration des particules de poussière est la plus forte. Ils inhalent de la sorte plus de poussière que les adultes, et ce pour une surface de poumons pourtant plus petite », conclut Benedictus Genty Bulu.
 
Interrogé par SciDev.Net, Sam Heft-Neal explique pourquoi l’étude s’est focalisée sur l’impact de la poussière sur la santé en disant que « la poussière est une composante majeure de la matière particulaire totale dans une grande partie de l'Afrique de l'Ouest et, dans certains endroits, elle est la principale source de particules ».
 
Il ajoute que « si les dangers de la pollution industrielle sont bien compris, il y a beaucoup moins de recherches sur les effets sur la santé de la pollution par les poussières. Nous voulions donc mieux comprendre comment la pollution par les poussières affecte la santé ».
 

Systèmes d’arrosage

Les chercheurs de Stanford préconisent une solution basée sur le déploiement de systèmes d’arrosage à énergie solaire dans la zone désertique afin de réduire le volume de poussière produit dans la dépression de Bodélé et éviter 37 000 décès de nourrissons par an en Afrique de l'Ouest.
 
« La pollution par la poussière n’est pas comme les autres sources de pollution en ce qu’aucune politique évidente ne peut être utilisée pour la réglementer », justifie Sam Heft-Neal.
 
Selon ses explications, lorsque la pollution provient de sources telles que les transports ou l'industrie, des politiques telles que les taxes ou la promotion de l'énergie propre peuvent contribuer à la réduire. Or, on ne peut pas taxer la pollution due aux poussières…
 
Sam Heft-Neal reconnaît que cette solution qui s’inspire d’un modèle réalisé à Owens Lake en Californie (Etats-Unis) peut cependant être plus compliquée à mettre en œuvre en Afrique où la surface à traiter est beaucoup plus grande et où la logistique n’est pas toujours disponible.
 
Mais, pour Benedictus Genty Bulu, cette étude a le « grand » mérite de mettre le doigt sur un aspect qui n’est pas toujours pris en compte, à savoir le rôle des pollutions naturelles et comment y remédier à l’échelle de pays ou de régions.
 
« Si les communautés tiennent compte des solutions préconisées dans cette étude et qui consistent à arroser, grâce à l’apport de l’énergie solaire, de larges surfaces de zones productrices de poussière, nous pourrons arriver à réduire davantage la mortalité infantile en Afrique subsaharienne. », conclut le pédiatre.

References


[1] Centre pour la sécurité alimentaire et l’environnement.
 

Cet article a été originalement publié sur SciDev.Net. Lisez l'article original


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