La pandémie de coronavirus pourrait plonger l’Afrique subsaharienne dans la récession en 2020 – une première en un quart de siècle –, a averti jeudi 9 avril la Banque mondiale, qui a aussi mis en garde contre un risque de « crise alimentaire ». « Le monde n’a pas connu ça depuis la seconde guerre mondiale. On va connaître la pire récession mondiale, qui va aussi toucher l’Afrique », a résumé Albert Zeufack, l’économiste en chef de l’institution pour l’Afrique, lors d’un point presse à Washington.
Les prévisions économiques pour 2020 sont désastreuses en Afrique, même si le continent est jusqu’à présent relativement épargné par le Covid-19, dit la Banque mondiale dans son rapport. Le continent le plus pauvre du monde n’a jusque-là recensé officiellement que 577 décès dus au coronavirus, contre près de 90 000 à l’échelle planétaire.
La croissance dans la zone subsaharienne « devrait chuter brutalement de +2,4 % en 2019 à une fourchette comprise entre – 2,1 et – 5,1 % en 2020, la première récession dans la région depuis plus de vingt-cinq ans », prévient la Banque mondiale. L’Afrique du Sud, l’Angola et le Nigeria seront « les plus touchés par cette crise », avec des contractions prévisibles de leur PIB de 6 à 7 %, souligne l’institution basée à Washington.
L’Afrique du Sud, première puissance industrielle du continent, va souffrir parce qu’elle était déjà en récession depuis le début de l’année, a détaillé M. Zeufack. L’Angola, producteur de pétrole en crise depuis la chute des cours en 2014, « rencontrait déjà des difficultés pour maintenir les investissements à un haut niveau », a noté l’économiste. Quant au Nigeria, premier producteur d’or noir d’Afrique subsaharienne, « la reprise y était encore très très timide », a-t-il ajouté.
Si la situation est « si grave », c’est que l’Afrique est confrontée à une crise sanitaire « combinée à une crise économique et potentiellement à une crise alimentaire », a insisté M. Zeufack. La production agricole du continent pourrait ainsi se contracter entre 2,6 % et 7 % en 2020, selon les prévisions de la Banque mondiale. L’institution a recommandé aux gouvernements africains de « sauver des vies […] en se concentrant sur les systèmes de santé » tout en adoptant des mesures « rapides pour minimiser les perturbations de la chaîne d’approvisionnement en nourriture ».
Elle a assuré « mobiliser toutes les ressources possibles pour aider » la région et lancé de nouveau un appel aux créanciers pour geler le remboursement des dettes afin que ces pays puissent dégager de l’argent pour combattre la pandémie. Le Fonds monétaire international (FMI) a lancé un appel similaire.
Cet effort est insuffisant, ont déjà estimé une centaine d’organisations et d’ONG, dont Oxfam et Save the Children. Toutes ont appelé en début de semaine le FMI et la Banque mondiale à « annuler immédiatement le remboursement et le paiement d’intérêts pour le restant de 2020 pour les pays qui sont le plus dans le besoin ». Un demi-milliard de personnes supplémentaires dans le monde pourraient basculer dans la pauvreté en l’absence de rapides plans de soutien pour les pays les plus démunis face à la pandémie du coronavirus, affirme Oxfam.
Selon l’Union africaine (UA), « près de 20 millions d’emplois, à la fois dans les secteurs formel et informel, sont menacés de destruction sur le continent si la situation persiste ». De nombreux pays africains ont déjà fait état de problèmes budgétaires ou demandé de l’aide internationale. Le président nigérien, Mahamadou Issoufou, a réclamé un « plan Marshall » pour l’Afrique. Le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, a demandé en mars au G20 d’alléger la dette des économies les plus vulnérables et de préparer un plan d’aide financière d’urgence d’une valeur de 150 milliards de dollars (environ 138 milliards d’euros).
Cet article est une publication originale de Le Monde. Lire ici.
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